Les Aventures du Nexus VI : le space opéra français né d’un rêve YouTube

Aventures du Nexus VI

Septembre 2025, dix-huit villes françaises accueillent un événement étrange : la projection d’un film de science-fiction d’un peu plus d’un heure, suivi d’un documentaire sur ses coulisses chaotiques, puis d’un échange avec toute l’équipe. Pas une sortie classique, plutôt une tournée itinérante baptisée Nexus Tour. Le film s’appelle « Les Aventures du Nexus VI », et derrière ce projet se cache une histoire de passion communautaire qui a bousculé les codes du financement de films en France.

D’une chaîne YouTube à un vrai film

Tout commence en 2014 quand Alexandre Marinelli et son équipe fondent Fensch Toast, une société de production messine. Trois ans plus tard, ils créent Nexus VI sur YouTube, une chaîne entièrement dédiée à la science-fiction. Le concept est malin : au lieu de critiquer des œuvres depuis un bureau, ils plongent leur public dans un vaisseau spatial du 24ème siècle où le Capitaine, incarné par Renaud Jesionek, raconte l’univers SF depuis son cockpit. En 2019, la chaîne obtient une aide de 55 000 euros du CNC pour rénover entièrement le décor, avec menuisiers, chef décorateur et éclairagiste professionnels.

Mais l’équipe voit plus grand. En 2018, ils lancent la Trilogie Nexus VI, trois épisodes fictionnels ambitieux financés par crowdfunding sur KissKissBankBank. Objectif initial : 80 000 euros. Résultat : plus de 95 000 euros récoltés. Sauf que le tournage devient un cauchemar logistique. Été 2020, la météo oblige à reporter des scènes d’un an entier. La COVID détruit les revenus annexes de la boîte de production. Les ambitions artistiques explosent avec des effets spéciaux toujours plus poussés, des maquillages de créatures complexes, des décors supplémentaires. Au final, le budget grimpe à 350 000 euros, forçant l’équipe à emprunter 150 000 euros pour boucler le projet.

Un financement participatif record

Janvier 2023, l’équipe tente le tout pour le tout avec une nouvelle campagne de financement sur KissKissBankBank. Cette fois, l’objectif est de produire un moyen métrage de 50 minutes en remontant les parties scénarisées de la Trilogie avec de nouvelles scènes, plus un making-of documentaire racontant les quatre années de galère. Le palier fixé : 150 000 euros pour rembourser la dette et finaliser le projet. Ce qui suit dépasse toutes les attentes : 451 215 euros récoltés, soit 301% de l’objectif initial, grâce à 5 451 contributeurs. Ce financement record transforme le moyen métrage en long-métrage de 2h40, baptisé « Les Aventures du Nexus VI ».

L’argent permet non seulement de rembourser l’emprunt mais aussi de peaufiner les effets visuels, d’enregistrer le son en Dolby Atmos, de tourner en format large 2.39, et surtout de créer un making-of de 73 minutes intitulé « La galère des étoiles ». Cette transparence totale sur les difficultés de production devient un atout marketing majeur. Les contributeurs ne financent pas juste un film, ils entrent dans les coulisses d’une aventure humaine chaotique et sincère.

Un univers science-fiction détaillé

Le film raconte l’histoire d’un équipage spatial échoué sur une planète sauvage après une bataille spatiale dantesque. Le copilote se fait enlever par une secte mystérieuse, et le Capitaine doit le retrouver tout en affrontant des créatures extraterrestres et des factions rivales. Mais au-delà du pitch, l’équipe a construit un univers foisonnant. Une bible de 19 pages détaille la chronologie complète du 23ème siècle, l’administration Xarlaxx qui domine l’humanité depuis 250 ans, les règles du voyage spatial et temporel, les différentes planètes, même le code d’honneur des capitaines et les boissons énergétiques intergalactiques.

Cette construction narrative ambitieuse rappelle les grandes sagas comme Star Wars ou Dune, avec une différence notable : le ton décalé et l’humour revendiqué. Le film multiplie les clins d’œil aux fans de science-fiction, les dialogues méta, l’ironie assumée. Un mélange entre space opéra hommage et comédie SF qui détonne dans le paysage français. Alexandre Marinelli réalise, monte, scénarise et joue même un rôle, celui de Slexno, tandis que Cyril Chagot cumule les casquettes de producteur et acteur.

Aventures du Nexus VI

Une sortie événementielle inédite

Le 8 septembre 2025, « Les Aventures du Nexus VI » ne sort pas en salles classiques mais démarre un tour de France dans dix-huit villes. Chaque séance comprend la projection du film, la diffusion du making-of, puis un échange direct avec Renaud Jesionek, Alexandre Marinelli, Cyril Chagot et Romain Toumi, le superviseur des effets spéciaux. L’équipe transforme chaque projection en événement communautaire, renforçant le lien avec les 5 451 personnes qui ont financé le projet. Le 25 octobre 2025, le Nexus Tour culmine au Grand Rex à Paris, la plus grande salle de cinéma d’Europe, pour une soirée finale mémorable.

Cette stratégie de diffusion contourne les circuits classiques et crée un bouche-à-oreille puissant. Pas de campagne publicitaire massive, juste une communauté de 265 000 abonnés YouTube qui partage, commente, vient en groupe aux projections. Les réseaux sociaux s’enflamment, les fans portent des T-shirts Nexus VI, certains costumés en personnages de l’équipage. Le film reçoit une note correcte de 6,4 sur 10 sur IMDb avec dix-huit avis, mais là n’est pas l’essentiel. L’engagement compte plus que la critique traditionnelle.

Les forces et faiblesses

Visuellement, le film impressionne pour un budget estimé à 700 000 euros. Romain Toumi et son équipe d’effets spéciaux livrent des batailles spatiales, des vaisseaux détaillés, des créatures extraterrestres convaincantes. La sincérité transpire à chaque plan. L’équipe assume ses ambitions sans complexe face aux mastodontes hollywoodiens. Le documentaire « La galère des étoiles » renforce cette authenticité en montrant les galères, les doutes, les rebondissements de production. Cette transparence crée une empathie rare entre créateurs et public.

Mais le film pèche par manque de fil conducteur. Les idées fusent dans tous les sens, l’univers foisonne au point de perdre parfois la narration. Les costumes oscillent entre cosplay enthousiaste et bricolage spatial assumé. Le jeu d’acteur reste inégal, avec des moments de conviction sincère alternant avec une maladresse touchante. Et 2h40 de durée, c’est un pari risqué pour un public habitué aux formats YouTube de vingt à trente minutes. Certains spectateurs sortent frustrés par la longueur, d’autres captivés par l’ambition folle du projet.

Un modèle pour le cinéma indépendant

Au-delà du film lui-même, « Les Aventures du Nexus VI » pose une question essentielle : le financement participatif peut-il vraiment démocratiser la production cinématographique en France ? Avec plus de 451 000 euros récoltés et 5 451 contributeurs, la réponse semble positive. L’équipe a prouvé qu’une communauté engagée peut porter un projet ambitieux sans passer par les circuits traditionnels. Le soutien du CNC, de la Région Grand-Est, de l’Eurométropole de Metz et de Bliiida a complété le financement participatif, créant un modèle hybride intéressant.

L’aventure ne s’arrête pas là. L’équipe prépare déjà un jeu vidéo Nexus VI avec une nouvelle campagne de crowdfunding à venir. La chaîne YouTube continue ses chroniques, enrichissant l’univers avec chaque vidéo. Le film devient une brique dans un monde transmedia ambitieux où chaque support nourrit les autres. Cette approche avant-gardiste montre que le public est prêt à investir dans des projets sincères qui le respectent et l’incluent dans le processus créatif.

Vous avez déjà plongé dans l’univers du Nexus VI ? Venez débattre avec nous sur notre compte X Kommunauty, on lit tout et les meilleures punchlines seront partagées. Parce que franchement, on a besoin de plus de projets fous comme celui-là dans le cinéma français.

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